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Ségolène Royal a estimé mardi nécessaire de construire de nouveaux réacteurs nucléaires en France pour remplacer certaines vieilles centrales, fermant ainsi la porte à une sortie de l'atome et alors que le gouvernement s'est engagé à réduire la part de cette énergie dans le mix électrique français.
Pour assurer la sécurité du nucléaire, "il faut programmer la construction d'une nouvelle génération de réacteurs, qui prendront la place des anciennes centrales lorsque celles-ci ne pourront plus être rénovées", a déclaré la ministre de l'Ecologie et de l'Energie dans un entretien publié mardi par le magazine spécialisé Usine Nouvelle.
C'est la première fois qu'un membre du gouvernement évoque la possibilité de construire de nouveaux réacteurs en France.
Pour Ségolène Royal, il s'agit aussi d'un revirement, alors que pendant la primaire socialiste en 2011, elle avait exprimé le souhait de ramener le nucléaire "à une énergie d'appoint" et s'était prononcée pour une sortie du nucléaire en France à "échéance de 40 ans maximum".
Elle promettait même l'abandon de la construction de l'EPR de Flamanville (Manche) et la reconversion du site. Depuis son entrée au gouvernement en avril 2014, elle a porté l'engagement présidentiel, inscrit dans la loi sur la transition énergétique, bientôt examinée au Sénat, de réduire la part du nucléaire dans la consommation finale d'électricité à 50% à horizon 2025 contre 75% aujourd'hui.
Le projet de loi limite également la capacité nucléaire de la France à 63,2 gigawatts, son niveau actuel. Avec la mise en service prévue en 2017 de l'EPR de Flamanville (Manche), la centrale de Fessenheim, doyenne du parc nucléaire français, devrait ainsi fermer, conformément à une promesse de campagne de François Hollande.
La déclaration de Mme Royal a donc suscité mardi des interrogations, notamment sur ce que pourrait être cette nouvelle génération de réacteurs.
Le Réseau Sortir du nucléaire s'est ainsi demandé "par quoi Ségolène Royal compte-t-elle remplacer les réacteurs existants, alors que l'EPR apporte chaque jour une démonstration de fiasco économique et industriel ? Propose-t-elle de parier sur une hypothétique génération de nouveaux réacteurs qui n'existe que sur le papier ?"
Pour Arnaud Leroi, directeur Energie à Paris du cabinet de conseil Bain & Company, trois options sont possibles: soit la construction d'un "EPR optimisé par les retours d'expérience" des premiers chantiers en cours à Flamanville, en Finlande ou en Chine, soit "une version de l'EPR de 1.000 mégawatts" contre 1.600 MW pour celui de Flamanville, ou "d'un réacteur de génération 4", c'est-à-dire sans combustible.
La ministre devrait apporter des précisions jeudi à l'occasion de ses voeux à la presse, a-t-on indiqué au ministère de l'Ecologie et de l'Energie.
Matthieu Orphelin, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot estime cependant que "la vraie question est de savoir comment vont être fermés un certain nombre de réacteurs à mesure que la consommation électrique va baisser", et les énergies renouvelables monter en puissance.
- Un débat nécessaire 'devant la société' - L'enjeu est également le coût de la construction de nouveaux réacteurs alors qu'EDF a déjà évalué à 55 milliards d'euros d'ici 2025 les investissements pour son plan dit de "grand carénage" qui comprend les travaux de maintenance et de modernisation du parc français qui comprend 58 réacteurs répartis sur 19 centrales. "Plutôt que de se lancer dans la construction de nouveaux réacteurs qui sont des installations extrêmement coûteuses, pour un prix du kilowattheure très cher et pour un uranium importé, mieux vaut s'engager dans les énergies renouvelables", a plaidé le député écologiste Denis Baupin, pour qui ce genre de débat doit "de toute façon s'ouvrir devant la société".
A l'inverse, pour les professionnels du secteur, la déclaration de la ministre a rassuré sur l'avenir de la filière française. "C'est important de construire de nouveaux réacteurs car on a besoin en France d'être au meilleur de la technologie d'autant plus que le marché de la rénovation est énorme dans le monde", a commenté la déléguée générale de la Société française d'énergie nucléaire, Valérie Faudon. Une telle déclaration a en effet de quoi satisfaire les entreprises françaises du secteur, EDF et Areva en tête, en proie à un marché de l'atome morose au niveau mondial. A la Bourse de Paris, l'action d'EDF a clôturé avec un bond de 5%, s'installant en tête de l'indice CAC 40 en hausse de 1,47%.