L'Agefi
Alors que l'Europe se prépare au plus grand plan de relance jamais connu depuis l'après-guerre, la plupart des banques portent encore les séquelles de la crise. Mais nombre d'entre elles traversaient déjà des difficultés avant la pandémie. Les banques n’ont aujourd’hui plus d’autre choix que de faire de cette crise un levier de transformation de leurs activités pour renouer avec la croissance, au risque de devenir obsolètes.
Au-delà du problème immédiat des créances douteuses, les banques européennes doivent faire face à des difficultés structurelles. Elles accusent depuis plusieurs années un faible rendement sur capitaux propres : par exemple, environ 5 % dans l'Union européenne (UE) et au Royaume-Uni en 2019. C'est inférieur au coût moyen des fonds propres de 8 à 10 % pour le secteur, et le ROE a encore baissé en 2020. Le ratio coûts/revenus est, quant à lui, resté bloqué à environ 66 % en moyenne.
Derrière ces chiffres se dessinent plusieurs difficultés :
Le décalage digital entre les jeunes néo-banques et les banques traditionnelles freine les performances de ces dernières en matière de coûts, de rapidité d’exécution et d'expérience client. Fin 2019, notre indice de maturité digitale a enregistré un écart de plus de 50 points (sur 100) entre les banques « digital natives » et les banques traditionnelles.
En outre, les sources de revenus traditionnelles s’assèchent : les recherches de Bain révèlent que dans la plupart des marchés bancaires du sud de l'Europe, les revenus des prêts commerciaux de plus de 250 000 € n'ont généré en moyenne qu'un rendement de 1 % net des provisions, alors que les cartes de crédit et les prêts à la consommation ont fourni un rendement ajusté au risque de plus de 5 %.
Pour les investisseurs, l’addition, en termes de résultat net, se chiffre ainsi : jusqu’en 2020, les 17 plus grandes institutions bancaires d'Europe ont dégagé un rendement total pour les actionnaires de -1 % sur trois ans, et de seulement 1 % sur cinq ans.
Les grandes priorités à l’agenda des banques
Digital, coûts, nouveaux business, ESG, M&A : nous voyons 5 grandes priorités pour les banques au tournant de la reprise.
Pour maîtriser leurs coûts, au-delà des mesures immédiates de réduction, une approche durable à long terme dépend de l'ambition et des possibilités de réduction des coûts à tous les niveaux de l’organisation. Une culture de « Zero based budgeting » sur les dépenses, plutôt que penser "le budget de l'année dernière plus ou moins x%". Avec cette culture, la simplification du modèle opérationnel (gouvernance, rôles et responsabilités, processus) permettra à une banque de mieux utiliser l'automatisation et les technologies digitales pour réduire les coûts durablement. Deux domaines méritent une attention particulière. Le travail étant devenu plus flexible, les banques doivent repenser leur utilisation de l'immobilier pour optimiser ou supprimer les espaces selon leur fonctionnalité. Enfin, des économies substantielles sont à trouver dans le recours plus efficace à la technologie pour automatiser de bout en bout l’expérience client et collaborateur, et accélérer la migration vers le cloud.
Pour accélérer leur digitalisation, les banques devront concentrer leurs investissements sur la flexibilité de leur architecture informatique et leurs capacités d’« advanced analytics ».
Explorer de nouveaux territoires de croissance rentable
La persistance des taux d’intérêts bas et la compétition accrue ayant accéléré l’érosion des bénéfices, explorer de nouvelles sources de croissance est un prérequis incontournable. En Italie, par exemple, la banque Intesa Sanpaolo a récemment annoncé qu'elle allait doubler son plan de relance en mettant à disposition plus de 400 milliards d'euros de ressources, en se concentrant principalement sur des initiatives liées aux thèmes de la transition verte, des infrastructures et des chaînes d'approvisionnement critiques.
On observe avec l’ESG le même mouvement de transformation qu’avec le digital lors de la décennie passée : la transition durable est un élément clé de la croissance dans le secteur bancaire qui doit désormais inscrire l’ESG au cœur de sa proposition de valeur. Les produits et conseils liés à des questions telles que la décarbonation et le risque climatique impliqueront une reconfiguration des processus internes autour de la gestion des risques, de la chaîne d'approvisionnement et de l'immobilier.
Accélérer la consolidation bancaire. En 2019, les trois principaux acteurs de chaque marché ne possédaient que jusqu'à 50 % des dépôts. Le rythme des fusions et acquisitions est appelé à s'accélérer, avec des actifs relativement bon marché à l'heure actuelle. Les opérations domestiques impliquant des banques de plus petite taille répondront aux pressions en matière de coûts et de réglementation. Des opérations transfrontalières opportunistes pourraient voir le jour en l'absence de bonnes opportunités domestiques et en raison de la pression exercée par le régulateur en faveur d'institutions plus compétitives et robustes, capables d'affronter la concurrence mondiale. Et certaines transactions pourraient élargir le champ d'action d'une banque, via l’acquisition de fintechs.