Le consommateur devient primordial pour un marché du luxe qui s'installe dans un rythme de croissance moins soutenu mais plus pérenne selon l'étude 2014 de Bain & Company sur le marché mondial des produits de luxe.
Le marché mondial du luxe est porté par la croissance du tourisme international et l'émergence des classes moyennes mondiales. Avec des consommateurs qui effectuent de plus en plus d'achats ailleurs que dans leur pays d'origine, on assiste à l'émergence d'un consommateur réellement global.
Paris, le 14 octobre 2014 – En 2014, la « nouvelle norme » mondiale pour le marché du luxe se définit par une croissance moins soutenue mais plus pérenne, une tendance qui pourrait se poursuivre au-delà de 2014. La tendance baissière en 2014, due aux fluctuations monétaires, à une économie européenne toujours faible, et à d'autres facteurs exogènes tels que les crises de Crimée et d'Ukraine, et les manifestations à Hong Kong, a été compensée par l'appétit des consommateurs chinois, par la vitalité des consommateurs américains et par un marché japonais qui renoue avec le luxe. Telles sont les principales conclusions de la 13ème édition de « l'étude sur le marché mondial du luxe » du cabinet de conseil en stratégie Bain & Company, le consultant de référence dans le secteur du luxe, en collaboration avec la Fondation Altagamma (Association des professionnels du marché du luxe en Italie), dévoilée aujourd'hui à Milan.
Le marché mondial des produits de luxe devrait atteindre une valeur de 223 milliards d'euros en 2014, grâce à rebond de la croissance à 5 pour cent à taux de change constant, (+2 pour cent à taux de change courant). Ce taux était en 2013 de 7 pour cent à taux de change constant (+3 pour cent à taux de change courant). Tous les marchés, à l'exception du Japon, de la Chine et de l'Amérique du Sud, sont fortement soutenus par les achats des touristes : la nationalité des acheteurs prime désormais sur le pays où s'effectue l'acte d'achat. Les consommateurs chinois constituent la première nationalité mondiale que ce soit en taille ou en rythme de croissance. Ils dépensent en moyenne trois fois plus à l'étranger qu'en Chine Continentale. A l'inverse, les japonais effectuent la plupart de leurs achats à domicile, en raison d'une dévaluation du Yen de presque 30 pour cent depuis 2012. Sur le continent américain, le marché du luxe est lui aussi de plus en plus soutenu par le tourisme. Enfin, selon une étude des achats détaxés en
Europe conduite en partenariat avec Global Blue, le comportement des touristes en Europe évolue significativement. L'étude révèle un ralentissement des achats des touristes provenant de la zone hors-UE et un changement des comportements d'achat pour toutes les nationalités. Ainsi, la consommation chinoise détaxée en Europe a augmenté de seulement 10 pour cent au cours des huit premiers mois de 2014, un fort ralentissement par rapport à la même période en 2013. On observe une polarisation des achats en faveur des deux extrémités du spectre du luxe : le luxe accessible et le luxe absolu. Les achats des russes en Europe ont baissé de 3 pour cent suite au ralentissement des flux touristiques en provenance de Russie. Cependant, les consommateurs russes les plus dépensiers ont bien résisté, ce qui se traduit par une tendance positive pour le segment très haut de gamme. La consommation en Europe des consommateurs provenant du Moyen-Orient a augmenté de 11 pour cent, confirmant ainsi la trajectoire positive de ces dernières années, alimentée par des flux touristiques en croissance. Enfin, les achats des touristes japonais en Europe continuent à se contracter
(-15 pour cent), le segment du luxe absolu connaissant cependant une décroissance moins marquée.
« La mondialisation des dépenses dans le luxe est si importante qu'une analyse par marché géographique n'a désormais plus beaucoup de sens. Le consommateur devient la clé de voûte du secteur, et les goûts et tendances locales ne représentent désormais qu'une partie de l'équation. » explique Claudia D'Arpizio, associée de Bain basée à Milan et principal auteur de l'étude. « Cette nouvelle tendance a des conséquences importantes pour les marques de luxe. Elle leur impose de mener une réflexion à un niveau mondial sur leur offre produits. Le concept de collections saisonnières, un des piliers du secteur, devient ainsi de plus en plus obsolète. » complète Marc-André Kamel, associé au bureau français, en charge du pôle de compétences européen luxe et distribution de Bain & Company.
Les accessoires de luxe représentent désormais 29 pour cent du marché mondial des produits de luxe, et ont crû en 2014 de 4 pour cent à taux de change courant, plus rapidement que l'habillement et la joaillerie-horlogerie, respectivement deuxième et troisième catégories les plus importantes. Pour la première fois depuis 2007, la croissance des souliers haut de gamme a surpassé celle de la maroquinerie, s'imposant comme un symbole évident de statut social, bien qu'à un ticket d'entrée plus faible que le reste de la catégorie maroquinerie. A l'inverse, l'horlogerie a accusé le coup de la baisse des ventes en Asie. En réaction, de nombreux horlogers abaissent leur production pour éviter le risque de sur-stockage.
Dans toutes les catégories, le poids des points de vente directs augmente, et représente près de 30 pour cent du marché. Pour un achat physique, les consommateurs privilégient un environnement mono- marque, qui représente plus de la moitié du marché. A l'inverse, via internet, ils favorisent l'assortiment et la variété ce qui les amène à préférer acheter dans un environnement multimarque.
L'étude de Bain & Company révèle également que de nombreux consommateurs recherchent désormais plus de valeur dans le luxe. Les marques premium (alternatives au luxe) et le marché du luxe d'occasion sont portés par les consommateurs mûrs dont le budget plafonne et qui s'orientent vers des marques plus accessibles, ainsi que par les acheteurs aspirationnels à revenus moyens. Le marché de l'occasion représente ainsi une valeur estimée à 16 milliards d'euros en 2014. Les canaux de vente à prix réduits, tels que les magasins d'usine, ont presque doublé leur pénétration du marché au cours des trois dernières années, grâce à des boutiques aux arrangements plus sophistiqués et à un niveau de service client qui émule celui des magasins au plein prix.
« Nous observons une polarisation croissante parmi les marques de luxe et l'émergence rapide d'un segment alternatif au luxe : ces marques haut de gamme se rapprochent des marques de luxe et véhiculent une image statutaire qui dépasse celle de leurs produits. » souligne
Marc-André Kamel.
« Nous notons également l'émergence d'un marché du luxe d'occasion porté par la révolution en ligne. Si ce marché empiète sur les ventes de nouveaux produits, il confère cependant aux produits de luxe un statut de bien pérenne avec des cotes de revente de mieux en mieux définies, ce qui contribue en définitive à augmenter leur valeur. » commente Joëlle de Montgolfier, directrice d'études du pôle européen de Bain & Company pour la grande consommation, la distribution et le luxe.
Du point de vue géographique, l'étude met aussi en valeur d'importantes tendances régionales:
· Amériques – Les Amériques ont été le moteur incontesté de la croissance en 2014, avec 6 pour cent de croissance à taux de change constant, en dépit d'un léger ralentissement aux Etats-Unis, imputable à un hiver très rude, et malgré des tendances décevantes au Brésil liées à la dévaluation de la monnaie locale. Le Mexique et le Canada ont tous deux maintenu une performance positive.
· Europe – Malgré les défis économiques persistants, les tensions socio-politiques en Europe de l'Est et un tourisme moins dynamique, la croissance dans le continent européen a atteint 2 pour cent. La détérioration de la confiance des consommateurs européens a cependant affecté la reprise partielle de leurs dépenses.
· Japon – En 2014, le Japon a retrouvé sa position de leader de la croissance en termes réels en 2014, avec une croissance de 10 pour cent à taux de change constants.
· Chine continentale – Les dépenses en Chine montrent pour la première fois une tendance négative : moins un pour cent de croissance cette année à taux de change constant (moins deux pour cent à taux de change courants). Ceci est dû à des contrôles plus stricts sur les dépenses de luxe et à des changements des habitudes de consommation. En parallèle, les marques accessibles, plus jeunes et moins établies, ont conquis le segment croissant de la classe moyenne « aspirant au luxe », qui devrait doubler d'ici 2017.
· Reste de l'Asie – La Grande Chine stagne tandis que la Corée du Sud renforce sa position de créateur de tendances et influenceur dans la mode et le luxe. En Asie du Sud Est, la Malaisie et Singapour ont été affectés par les accidents de la compagnie aérienne malaisienne, mais le reste de la région a connu une croissance soutenue.
L'étude Bain révèle enfin que le développement des voyages et du tourisme internationaux suscitent un appétit croissant pour des expériences de luxe à 360 degrés, affectant par exemple, des segments tels que les transports haut-de-gamme (voitures très haut-de-gamme personnalisées, yachts), ou encore les hôtels de luxe, les croisières, et les vins et spiritueux :
· La croissance dans le marché des voitures de luxe est robuste, à 10 pour cent par rapport à 2013. Elle est poussée par les pays émergents où les véhicules de luxe sont perçus comme un élément de statut et de reconnaissance sociale. Le degré élevé de personnalisation des véhicules, et même le service après-vente, permettent de doubler, voire parfois de tripler, le prix de vente initial.
· L'hôtellerie haut-de-gamme, avec 9 pour cent de croissance, bénéficie également d'une demande en croissance régulière. La génération des 30 ans et plus, en quête d'expériences de style de vie haut de gamme, a permis de faire croître le marché des croisières de luxe de 5 pour cent.
· Tandis que l'œnologie est souvent synonyme de luxe, les boissons non-alcoolisées gagnent également en prestige, un phénomène décrit comme la « vinification de l'eau ». Alors que la catégorie des boissons représente 30 pour cent du marché de l'alimentaire, la demande pour la gastronomie de luxe et l'épicerie fine ne cesse de croître. Cette croissance reflète la recherche croissante de cadeaux originaux et de souvenirs de voyage.
· Le marché des yachts croît à 2 pour cent en 2014. En revanche, les ventes de jets privés ont augmenté de 9 pour cent, nourries par une demande en provenance des pays émergents, en particulier du Brésil.
Pour les 10 prochaines années, Bain & Company prévoit des changements conséquents dans le marché du luxe. Les consommateurs du « Luxe 2025 » seront bien évidemment au centre de l'expérience client, mais ils seront surtout le cœur du luxe lui-même, devenant partie intégrante de la conception, de la création et des ventes de produits de luxe.